lunes, 5 de noviembre de 2007

Nouvelle "Voyage(s)"

Il était 10 heures 30 et Le Comptoir n’avait toujours pas ouvert ses portes. Cela faisait une semaine que j’avais demandé une journée de libre au bureau pour pouvoir venir ici. Une semaine d’impatience, de planification, d’espoir. J’allais enfin pouvoir entrer dans ce monde magique, aux milles histoires, que mon ami m’avait décrit.
Après seulement quelques minutes de retard, les portes se sont enfin ouvertes. Le cœur serré, j’ai traversé la frontière, j’ai pris quelques minutes pour observer, ressentir l’atmosphère ambiant, et je me suis précipité dans les recoins les moins accessibles ; je savais que c’est là que je trouverais l’objet de ma quête. Je savais que seulement après une longue recherche assidue, je me trouverais face à face avec l’objet qu’inconsciemment je désirais, avec l’objet qui avait été écrit pour moi, pour alimenter mes humeurs et convictions du moment.

Des heures durant, j’ai ouvert les portes de mondes fantastiques, de mondes tristes, de mondes merveilleux.
J’ai vu des couleurs, des enfants, des magiciens, des dragons, des chevaux, des châteaux, des murailles, des feux, des océans, des lacs, des montagnes….
J’ai entendu des sons de flûtes, de harpes, du vent, de la mer agitée, d’un feu de cheminée, des pleurs d’enfants, des barrissements d’éléphanteaux….
J’ai goûté à des plats délicieux, aux baisers d’une nymphe, à l’amertume du dégoût, à des milliers de vins différents, aux fruits presque défendus….
J’ai sentis les parfums les plus élaborés, l’iode de l’air marin, les arômes les plus subtils, l’odeur des épices les plus précieuses, l’âpreté du bûcher….
J’ai ressentis le soyeux des plus beaux tissus d’orient, la dureté des vieux habits usés, la raideur des cordages des grands navires, la froideur des glaces polaires, la chaleur humaine….

Des heures durant donc, j’ai voyagé aux grés des pages noircies ou colorées. Mais malgré l’immense bonheur, l’extase que je ressentais, je n’étais pas pleinement satisfait, tous ces voyages me plaisaient, mais je n’avais pas encore trouvé mon chef d’œuvre. Après chaque moment de rêve, je me désespérais de plus en plus, quand soudain, mon cœur s’arrêta net, je venais de l’apercevoir, tombé sous l’étagère. Je savais que c’était lui, mais malgré tous mes efforts, je restais tétanisé.

Après un interminable moment paralysé, les yeux fixés sur lui, je parvins à m’en approcher. C’est alors que le sol se déroba sous mes pieds, je sombrais dans un abîme obscur pour finalement tomber dans un endroit étrange, totalement inconnu. Aucun de mes repères n’allait me servir ici. La palette de couleur était différente, l’architecture, la végétation étaient incomparables. Les êtres qui peuplaient cet univers étaient tous de haute stature, sans membres, et avançaient uniformément. Quand ils me croisaient, j’avais l’impression d’être dévisagé, mais je ne ressentis aucune hostilité, plutôt de l’indifférence. Tout à coup, je vis s’approcher une forme qui pourrait être assimilée à un poisson, nageant dans l’air. Il me posa quelques questions, et nous commençâmes à discuter. Il m’apprît que les êtres que j’avais vu n’étaient en fait que des machines et que j’étais tombé du côté mécanique de ce monde. Je le suivis donc. Il écarta une lourde tenture, et quand je l’eu franchie, une impression de sérénité, de calme et de tranquillité m’envahit. J’étais confronté à une infinité d’odeurs, de bruits, de couleurs, de formes se déplaçant en total harmonie.

Mon nouvel ami me présenta à d’autres êtres avec qui je pu échanger idées, points de vue et expérience. J’essayais de comprendre leur monde, ils me l’expliquaient, ils voulaient connaître le mien, je le leur racontais. J’ai voyagé avec eux dans leurs sublimes contrées, découvert tant de nouveautés, des espèces animales, végétales, minérales et même d’une autre nature que je n’avais jamais vue auparavant. J’ai assisté à l’avènement d’un des leurs, mais aussi aux fêtes joyeuses du départ de leurs géniteurs.
Ils m’invitèrent à partager les joies et peines de leurs fêtes rituelles, je déduisis que les sons étranges qui émanaient d’une petite protubérance que tous avaient, devaient être leurs chants traditionnels. Ils m’apprirent à danser selon leur propre folklore, m’initièrent à leurs rites populaires. Ils me convièrent à de grands festins d’odeurs ; ils se nourrissaient en effet en absorbant les arômes de tous les objets alentours. Ils avaient donc développé un véritable art pour emprisonner les arômes, les sélectionner et les concentrer, pour en inventer et en créer de nouveaux, chacun rivalisant en délices et en succulence avec les autres.
Leurs périodes de repos étaient nombreuses. Ils étaient en apesanteur, gardaient les yeux ouvert pour apprécier les notes colorés qui étaient partout, et ils restaient ainsi, tournant lentement sur eux même pour en profiter pleinement.
Après un festin pantagruélique de saveurs olfactives, je profitais d’un de ces moments de grâce avec mes amis pour remplir mes pupilles et ma mémoire de ces feux d’artifices de couleurs intarissables. Il est vrai que même si ces couleurs étaient présentes à tout moment, c’était le meilleur moyen de se rendre compte de toute leur ampleur.

Soudain du lointain se fit entendre une voix :
« Je l’ai lu ce livre, il est sympa, mais sans plus. »
Le retour à la réalité fut on ne peut plus brutal. On ose me dire qu’il est « sympa sans plus ». On se moque de moi ! Je voulu lui conter tout ce que je venais de vivre, de ressentir, le monde merveilleux que je venais de visiter, les êtres fabuleux que j’avais connu. Je me suis retourné, elle m’a sourit.
Et je lui ai rendu son chaleureux sourire, sans rien dire de plus. De toutes façons, elle ne m’aurait pas cru.

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