miércoles, 7 de noviembre de 2007

Nouvelle "Sombres desseins"

Sombres desseins

Il était 10 heures 30 et Le Comptoir n’avait toujours pas ouvert ses portes…Ce n’était pas du tout dans les habitudes du magasin, dont j’étais un habitué. J’attendis calmement 10 minutes, un quart d’heure. Les rues étaient désertes, sous le soleil de plomb. Un étrange sentiment m’envahit…

Les événements de la veille au soir m’avaient profondément perturbé. La violence des propos avait atteint des sommets. Je ne comprenais toujours pas comment la situation avait pu empirer de la sorte, en l’espace d’une poignée d’heures. Luttant de tout mon être avec quelques autres pour arracher un compromis, j’étais ressorti de la salle du conseil vidé et désespéré. J’étais certain que personne n’avait pu écouter nos conversations, auxquelles ne participaient que des officiels du régime, tenus par le secret. Mais si l’information avait filtré ? Si la rumeur avait commencé à courir, à enfler, à se propager de palier en palier, à se faufiler dans les rues écrasées de chaleur ? Si tout le monde savait, du vendeur de journaux a ma chère libraire ?

Après tout, ce serait un joli retournement de sort, pensai-je soudain. Le régime avait pris toutes les précautions pour que cette sombre affaire demeure confidentielle, pour que la population soit maintenue dans une complète ignorance de la tourmente qui emportait le pays. Par prudence, affirmeraient-ils en bloc si un jour quelqu’un venait a découvrir le fin mot de l’histoire. Par inconsistance et couardise, selon moi. J’avais tenté en vain de les convaincre de prévenir la population, la principale concernée...

Je me pris à rêver que le peuple ait pu, par un extraordinaire concours de circonstances, être au courant de ce qu’il se tramait. Au nez et à la barbe du gouvernement, pourtant redouté pour sa mainmise sur les canaux de l’information. Qu’un des comploteurs de la veille, bien intentionné, ait activé d’inconnus et improbables réseaux. Que les habitants aient pris leurs dispositions, que les commerces se soient accordés pour rester fermés. Une grève massive en quelque sorte, un silencieux mouvement de protestation devant la menace imminente qui s’avançait. L’Etat en prendrait un sacré coup.

Je regardai autour de moi. Un papier d’emballage décrivait des courbes esthétiques, animé par la brise étouffante dont il ne semblait se soucier. Deux chiens errants, pelés comme des rats, assis sur le trottoir, attendaient calmement que le passage piéton passe au vert pour s’avancer. Quelle chance, cette indifférence, quand le monde vacille. Je regrettais soudain les moments d’ennui des longs après-midi d’été, la torpeur de l’esprit et des sens. Tout sauf cette panique sourde qui me faisait délirer !

Reprenant mes esprits, je me dis que décidément, les nuits blanches qui avaient précédé la terrible décision de la veille m’avaient sérieusement affecté. Que cette histoire de complot citadin ne tenait pas la route, et que je ferais mieux de me rendre au travail pour attendre les ordres. Je me mis en route, tournai au coin. Les rues, d’ordinaire animées le samedi matin, demeuraient désespérément vides, ce qui ajoutait à mon trouble. J’aperçu enfin quelques passants, qui semblaient de bonne humeur, et leur vue m’attrista au plus au point. Je ressentis un pincement au cœur. J’en conclu que je n’avais fait que divaguer, et que la catastrophe était en marche. Je savais depuis la veille, sans vouloir l’admettre, qu’il ne me restait qu’une seule option, celle que j’avais rejetée depuis des semaines, celle qui me hantait dans mes nuits d’insomnies. L’apparition des promeneurs m’avait définitivement ôté tout espoir. Une question me taraudait, une question qui, me semblait-il, résumait le dilemme de mon existence : Aurais-je l’audace de me lancer ainsi dans l’inconnu ? Moi qui aimais tant ressasser chaque décision, et rechignais par nature à m’engager sans être certain que la situation jouerait en ma faveur, que les dés tomberaient du bon côté… Avec un peu de chance, et si tout s’enchaînait comme je l’avais planifié, je pourrais en abattant mes dernières cartes au moins retarder l’échéance. Dussé-je y perdre toute crédibilité. Dussé-je y laisser ma peau.

En me plongeant à corps perdu dans le labyrinthe du métro, je me sentis profondément seul. C’était bien le comble, pour quelqu’un qui avait participé à des décisions concernant l’avenir de millions de ses concitoyens. Mais ne pas pouvoir partager mon désarroi affectait la clarté de mes idées. Je me surprenais à douter de l´enchainement de mes pensées, de mes sensations. A prier pour que tout cela n’ait été qu’un mauvais rêve. J’esquissai un sourire plein d’ironie. Il est tellement plus facile de se défausser face aux responsabilités, que d’affronter la tourmente. Je ne pouvais partager mon angoisse avec aucun de mes amis, ni même avec Daniela. De tout façon, elle ne m’aurait pas cru.

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